La Vie d'un Dieu - premier extrait

 “La nuit tombait sur le Caire comme un suaire saturé de murmures. Je descendis une nouvelle fois vers la cité basse, où le vent porte l’encens comme une main glisse le poison dans un verre. Les souks me happèrent — dédales de lampes tremblantes, d’épaules qui se frôlent, d’ombres qui s’accrochent — et je sentis Sa présence croître dans ma poitrine.”

“Le Pharaon Noir me parlait. Pas en mots, mais en angles. Les ruelles se ployaient sous Sa volonté. Les pierres vibraient au contact de mes pas. L’univers s’incurvait déjà pour me faire place.”

“Ce soir-là, Il me guida sous les fondations d’un caravansérail, où se rassemblaient Ses premiers fidèles : des hommes sans regard, des femmes sans rire, des enfants dont les mains tremblaient comme des aiguilles. Tous se signaient d’un symbole que je n’avais jamais vu tracé par la main d’un homme.”

“Dans la chambre de basalte, éclairée par des torches à la flamme noire, je vis pour la première fois l’outil saint : un gourdin de bois rouge, hérissé d’une seule pointe, unique comme un croc. Les prêtres psalmodiaient Sa litanie, et quand le premier sacrifice fut amené, je sus que j’allais devenir plus que ce que j’étais.”

“Le sang jaillit comme un encens. La pointe perça la gorge et libéra une vapeur écarlate. La salle en fut sanctifiée. Il m’embrassa alors. Pas comme un dieu embrasse un homme, mais comme une idée dévore la pensée qui lui résiste.”

“Je vis Sa salle du trône. Elle est dirigée vers le ciel mort, dans le chaperon de la Pyramide Inclinée. Là, Il m’attend. Là, Il renaîtra. Et j’y serai Son bras…”

“… ou Son couteau.”

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